ITW – Andy Anderson

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À l’occasion de l’event DROP qui s’est tenu à Paris fin juin, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Andy Anderson. Tantôt adulé, tantôt décrié, le skate d’Andy ne laisse personne indifférent. Suffit de lancer le sujet autour de vous pour que ça parte en débat PMU. Au-delà de ce combat d’idées et d’un certain élitisme dont fait preuve certains médias à son égard, voici un interview qui devrait vous permettre de découvrir d’avantage le parcours parfois semé d’embuches et la personnalité de ce skateur atypique.

Salut Andy comment vas-tu ?

Je vais très bien. C’est la première fois que je viens à Paris et franchement j’adore. C’est les meilleurs trottoirs que je n’ai jamais skatés, l’architecture est incroyable. J’ai l’impression que j’ai juste à pousser et me laisser porter.

Tu as eu l’occasion d’explorer un peu la ville depuis ton arrivée ?

Oui, pour le moment j’ai été skater à Bastille et à la sculpture-fontaine Place du Québec. J’y ai filmé quelques tricks. Peut être que je vais les conserver pour une part. Je ne sais pas encore.

ITW - Andy Anderson

“Au magasin, le vendeur leur a dit « prenez lui la board la moins chère, à 6 ans, c’est sûr, il arrêtera ». À 7 ans, je me suis pleinement investi dans le skate.”

J’ai lu dans un interview que tu avais commencé à skater à 3 ans. Tu as appris à skater avant de marcher…

En fait j’ai commencé à 4 ans. À 3 ans, j’ai aperçu un jour un skateur par la fenêtre de la maison. J’ai été émerveillé. Je me suis dit, « c’est ça que j’ai envie de faire ». Ce gars poussait avec tellement de style dans la rue. J’ai trouvé ça ouf, j’avais trop envie de sortir et d’essayer à mon tour même si j’étais beaucoup trop jeune. Par la suite, mes parents m’ont offert une planche pour mes 4 ans. Au magasin, le vendeur leur a dit « prenez lui la board la moins chère, à 6 ans, c’est sûr, il arrêtera ». À 7 ans, je me suis pleinement investi dans le skate.

Comment tes parents ont perçu cette passion soudaine pour le skate ?

J’ai la chance d’avoir des parents incroyables qui m’ont toujours encouragé. Ils ont réagi de la même manière avec ma sœur. Ils nous ont toujours dit qu’ils seraient derrière nous quoi qu’on fasse. Ils sont fiers aujourd’hui que le skate soit aux JO même si ce n’est pas la raison première pour laquelle ils m’ont soutenu.

J’espère que tes parents liront cet interview parce que c’est un bel hommage. Comment ton style de skate qui mixe à la fois du freestyle, du skate street s’est affirmé ?

Quand j’étais petit, je regardais des vidéos comme la Yeah Right, Time To Live, ce genre de vidéos. Mais je n’étais jamais inspiré par les flips tricks ou le skate de curbs. Flip tail slide, nollie flip nose blunt, c’étaient les mêmes tricks dans ma tête. Je ne voyais aucune différence. Donc j’ai rapidement rejeté les ollies, j’ai rejeté les flips. Et puis aussi parce que c’est ce que tout le monde faisait. Moi ça me faisait chier. Je me suis dit : « fuck that ». J’avais envie de quelque chose de différent.

 “Arrivé à mes 15 ans, je ne savais pas faire le tréflip « fuuuuuuuck ». C’est à partir de ce moment-là que j’ai intégré les flips tricks classiques.”

Un jour, j’ai regardé la vidéo Dogtown ZBoys. J’ai appris comment prendre du plaisir sur ma board, le flow et tous les tricks. Parce que le ollie a été inventé en 1984 et le skate a été inventé vers les années 50, donc qu’est-ce qui s’est passé entre temps ? J’ai alors étudié cette période, le plus possible, cette phase “d’avant les ollies tricks”. Arrivé à mes 15 ans, je ne savais pas faire le tréflip « fuuuuuuuck ». C’est à partir de ce moment-là que j’ai intégré les flips tricks classiques.

Tu as des modèles de la période pré-ollie qui t’inspirent ?

Mark Gonzales, Pierre André Senizergues, Kevin Harris évidemment. Kevin est le premier canadien skateur pro freestyler. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a rentré aucun kickflip. Il reste accroché à ses racines. Il fait à peine des trucks stands et des primos. Quand les gens pensent au freestyle, ils imaginent des casper trucks primo, etc. Mais lui a émergé bien avant tout ça. Il réalisait des pivots et des spins. Je trouvais vraiment cela incroyable. Et côté street skate, Bill Danforth est l’un de mes skateurs favoris.

ITW - Andy Anderson

“Tu sais les gens qui talkshittaient à propos de mon casque, qui se moquaient de moi. Mais cela ne m’a jamais affecté parce que je sais qui je suis. “

Rodney Mullen qui fait le pont entre skate freestyle et skate moderne n’est-il pas un modèle pour toi ?

Rodney Mullen évidemment aussi. Mais j’ai l’impression que tous les skateurs freestyle veulent lui ressembler. Je pense qu’il y a tellement plus de références en freestyle qui existaient bien avant Rodney. Après, on lui doit beaucoup: le darkslide, le casper, le truck stand to primo, le kickflip, etc. Mais mes modèles pour moi sont définitivement Mark Gonzales, Kevin Harris et Pierre André.
D’ailleurs, on ne le dit pas assez, mais PA a inventé tellement de tricks comme le coconut wheeling. C’est comme un primo sauf que tu te retrouves sur les bords des roues. Les gens pensent que c’est un nouveau trick, mais on le doit bien à PA.

Est-ce que tu crois que ta manière de skater, ta spécificité, qui t’ont permis d’obtenir cette reconnaissance, t’ont parfois desservi ?

C’était peut-être une faiblesse quand les gens ne me connaissaient pas. Plus je rencontre les gens et plus ils comprennent ce que je fais. Mais peut-être que c’était plus facile de me juger avant, aujourd’hui je ne sais pas. Mais effectivement, j’ai eu quelques soucis auparavant.

Quels genres de soucis ?

Tu sais les gens qui talkshittaient à propos de mon casque, qui se moquaient de moi. Mais cela ne m’a jamais affecté parce que je sais qui je suis. Pourquoi dire du mal de moi alors qu’ils ne me connaissent pas ? C’était peut-être aussi un handicap pour certains sponsors, mais les marques OG comme Powell n’en ont rien à foutre. Elles ont pleinement accepté mon casque et mes tricks sans jugement. Ils ne cherchaient pas à savoir ce qui était cool ou non.

En parlant de cool, pas cool : quand je fais des recherches à propos de toi, je te retrouve dans des vidéos tournées chez Braille, chez les Berrics. Très peu de street parts à proprement parler chez les médias “classiques”. Comment expliques-tu cela ?

Des opportunités chez des marques ou médias cores m’ont été refusées notamment à cause de mon casque.

Même si son histoire est différente, Mike Vallely porte aussi un casque…

Mike Vallely c’est Mike Vallely. Il peut faire ce qu’il veut. Il a des enfants, il a une carrière déjà accomplie. Il a mis KO quatre gars sur un parking ! Il peut faire ce qu’il veut. Personne ne peut l’emmerder.
Autrement, je fais attention aux médias dans lesquels je peux apparaître. Avec Braille par exemple, c’est particulier. Ils sont très suivis. Si je n’avais pas fait de vidéos avec eux, ma board n’aurait bénéficier d’aucune couverture médiatique. Parce qu’avant que je ne m’affilie à eux, mon pro modèle ne disposait d’aucune visibilité. Donc j’en avais besoin. Et puis je bossais avec Nigel de NKA, on est très proche. C’est lui qui m’a conseillé de collaborer avec eux. J’ai estimé que c’était une bonne chose pour moi.
Je pense que c’est plus important d’être moi et ce qu’importe la plateforme plutôt que de laisser les gens décider pour moi.

D’ailleurs pourquoi il n’y a pas plus de marketing autour de ta board et de Powell plus globalement dans les médias skate ?

Dans les années 80, Stacy Peralta était à la tête du marketing, mais il est parti en 1991. George Powell est un génial designer de produits. Mais ils ont perdu le génie du marketing avec Stacy. Donc ce n’est plus pareil. Et puis aussi, quand ils ont décidé de me passer en pro, il n’y a pas eu de grande cérémonie. Je savais que j’allais passer pro. En fait, je travaillais déjà sur ma board.
Nous sommes vraiment dans une relation amicale avec George. Les gars de Powell appréciaient ma personnalité, mon style. Ils voulaient me concevoir une super board donc ils ont souhaité d’abord me passer pro. La compagnie ne s’est pas dit « Putain, sa planche va se vendre par palettes ! ». Ce n’était pas du tout la motivation première.
En plus, George et moi, nous parlons le même langage parce que c’est un ingénieur, un designer. Son métier d’origine était de dessiner des avions. Et même si ce ne sont pas des domaines que j’ai étudiés, je suis fasciné par la physique et la science. Quand je lui propose de créer une board pour faire un trick sur un curb en particulier, il est toujours super excité. Par contre si je veux faire une planche basique pour le grand public, il va me dire d’aller me faire foutre. Je dois lui proposer quelque chose qui sort de l’ordinaire pour qu’il se sente challengé. La R&D, le design, c’est ça qui lui parle.

“Mec, tu vas avoir 18 ans, tu ne peux pas continuer à porter un casque. Tu n’auras pas de copine en portant un casque, tu ne peux pas obtenir de sponsor, tu ne peux obtenir de parutions dans des magazines, etc… “

Combien de temps il a fallu pour obtenir ton premier pro modèle ?

Il a fallu 7 ans. Avant, je roulais pour une petite compagnie Protest Skateboarding au Canada. En temps normal, Powell ne prend pas de skateur évoluant déjà dans un team. Mais pour moi, George Powell est venu voir le dirigeant de Protest, Hippie Mike. Il lui a dit qu’il souhaitait me recruter. Hippie a dit oui, mais à condition de continuer à développer ma board pro parce que le projet était déjà avancé. Cela faisait partie du deal.

Sur quels modèles ou références, t’es-tu appuyé pour concevoir ton shape ?

Pour les street skateurs, les bowl skateurs, c’est étrange de proposer un nouveau shape. Les gens se disent « wow, c’est chelou, le mec sort un nouveau shape ». Dans le free style c’est quelque chose de normal parce qu’il n’y a pas d’obstacles dans cette pratique. Le seul obstacle, c’est ta board. Donc tes tricks vont dépendre de la forme de ta board à 100 %. Par exemple, le shape va influer sur tes tricks en primo, tes trucks stands. Si tu as des affinités sur certaines figures, tu vas orienter la conception de ta board en fonction.
Ma planche a en conséquence été conçue par rapport aux tricks que je fais. Disons que c’est une board freestyle géante. Sa largeur est idéale pour le bowl, elle est parfaitement équilibrée pour le street et les flip tricks et la forme en elle-même est idéale pour le freestyle. Et petite confession, je suis en train de travailler sur ma prochaine planche.

Venons en à ton casque. Pourquoi en portes-tu toujours un ?  Tes parents avaient peur pour toi ? ça me rappelle l’histoire de Rodney Mullen. Ses parents l’ont obligé à porter un casque. Il avait même dû porter des protections lorsqu’il avait participé à son premier contest à 11 ans.

Oui, c’était un deal avec ses parents. Dans mon cas, cela vient de moi. Je pensais que c’était une bonne idée. Quand j’étais petit, c’était à la mode de penser que ceux qui se ramenaient avec un casque, des protections, étaient des nuls. C’était mon petit plaisir de faire mentir ces idées arrêtées quand je me ramenais au skatepark et que je les épatais.

Puis en grandissant, les gens ont commencé à me dire « mec, tu vas avoir 18 ans, tu ne peux pas continuer à porter un casque. Tu n’auras pas de copine en portant un casque, tu ne peux pas obtenir de sponsor, tu ne peux obtenir de parutions dans des magazines, etc… ». Toutes ces choses étaient vraies jusqu’à ce que je sois assez bon et confiant.

J’aime penser que si tu es assez bon et confiant, tu peux faire ce que tu veux. Nyjah peux bien porter des shorts et se faire critiquer, mais il est assez confiant pour n’en avoir rien à foutre. Alors moi, je porte un casque parce que je pense que c’est une bonne idée. Et puis si je perds mes jambes, je suis toujours Andy. Par contre si je perds ma tête, je serai quelqu’un d’autre dans le corps d’Andy. Après, je ne suis pas ici pour dire quoi faire ou porter. Je souhaite juste que les gens se sentent libres de prendre leurs propres décisions. Pour les gens qui veulent porter un casque, j’espère que je les ai aidés à se sentir plus à l’aise avec. Et puis si tu ne veux pas en mettre, tu fais ce que tu veux, putain !

Tu as aussi ta marque de casque Mind Control, tu peux m’en dire quelques mots ?

On gère cette marque depuis quelques années maintenant. Sur les dernières pièces, il nous reste plus que quelques tailles. Mais Mind Control est plus un mouvement. Mind Control pour « Contrôle ton Esprit ». C’est la seule chose que tu peux contrôler. Littéralement. C’est la seule chose sur laquelle tu as du pouvoir. Si tu ne contrôles pas ton esprit, quelqu’un d’autre le fera. J’ai envie que les gens se disent que leurs états d’esprits peuvent inspirer d’autres personnes.

Autre chose qui caractérise le personnage Andy. Tu collectionnes les bornes d’incendie, c’est bien ça ?

J’adore les bornes d’incendie. C’est une longue histoire… Mais tu connais les champignons ?

Oui.

La partie principale du champignon se trouve sous le sol. Et ces parties se connectent toutes entre elles dans la forêt et elles aident à humidifier les autres plantes. Lorsqu’une zone dans une forêt est trop sèche, des champignons poussent et se chargent de l’humidifier. Je vois les bornes d’incendie exactement comme les champignons, mais fabriqués par l’homme. C’est un message démontrant que quoi qu’on fasse pour s’éloigner de la nature, on revient à la créer de manière inconsciente. C’est une métaphore de la nature humaine aussi peu naturelle qu’elle soit.
Les bornes ne sont pas faciles à trouver. En plus, elles coûtent assez cher. Bien plus cher que ma voiture !

ITW - Andy Anderson

“De nos jours, j’ai plus l’impression que les brands créent des shoes pour coller à une mode plutôt que de répondre aux réels besoins des skateurs.”

En parlant de voiture, à côté du skate, tu as d’autres passions comme le camping-car. Je suis tombé sur un reportage sur ton véhicule c’est bien une ancienne ambulance ? 

Exact. J’ai vécu dedans pendant un long moment. Mais en ce moment, mon ambulance camping-car est garée à Venice Beach chez un copain. Je m’en sers pour me déplacer actuellement. Mon camping-car est un peu une extension de moi-même. Quand tu entres dedans, tu peux dessiner sur les parois. C’est un peu un musée dans lequel tu es acteur. C’est un musée participatif. Tu peux revenir des années plus tard et revoir tes créations. Il y a beaucoup d’énergie dans ce véhicule.
Quand je préparais les JO avec mon coach, nous avons vécu à l’intérieur. On a voyagé à travers l’Arizona, Las Vegas, la Californie pour découvrir les différents skateparks. À mon grand soulagement, le camping-car n’a eu aucun problème mécanique.

En t’écoutant, j’ai l’impression que tu n’aimes pas trop la routine, les choses communes

Si tu veux, je ne cherchais pas forcément une ambulance. Je vivais en fait dans la bagnole de mon père, une Acura. Elle était très sympa mais vraiment petite. Je dormais sur le siège une fois rabattu. Un jour durant un event à mon skatepark local, un ami s’est ramené et m’a dit qu’un de ses potes donnait une ambulance. Gratuitement. J’ai quand même filé 1 000 $ parce que je ne pouvais pas prendre la voiture comme cela sachant en plus que j’allais en faire ma maison.

Qu’est ce tu penses du renouveau de etnies. Qui semble avoir profité du pas de côté d’une certaine marque de sportwear ?

etnies est la première compagnie de skate shoes possédée et gérée par un skateur pro. Pourquoi les skateurs soutiendraient-ils des sociétés qui n’ont rien à voir avec le skate et qui sont uniquement là pour faire du fric ?

Le Marketing, les moyens démesurées 

Probablement. Je ne vais pas en dire plus. Mais tout ce que je sais, c’est que Pierre André est un skateur freestyle que j’adore et respecte. J’ai grandi en le regardant dans des vidéos de skate. Et je roule aujourd’hui pour sa compagnie. Il conçoit des chaussures qui ont du sens. Par exemple, j’ai souhaité sur une Windrow ajouter un strap. Il a tout de suite validé. Avec ce strap, tu peux à la fois attacher tes lacets et les protéger. Je trouve dommage que cette idée n’ait pas été adoptée plus tôt chez d’autres brands.

De nos jours, j’ai plus l’impression que les brands créent des shoes pour coller à une mode plutôt que de répondre aux réels besoins des skateurs. C’est important pour moi d’être dans une compagnie qui pense d’abord aux skateurs.

Tu as des projets de vidéos ou autres à venir, avant qu’on se quitte.

Je travaille sur une part de skate. Mais j’ai envie qu’elle soit pensée plus comme un projet artistique. C’est mon objectif. En parallèle, je travaille sur un design de chaussures, des pantalons…J’ai également un projet de roues en tête. Je cherche à créer des roues qui n’existent pas encore sur le marché qui me permettraient de réaliser certains tricks. Vous en saurez davantage plus tard. Mais plus globalement, j’essaie de m’impliquer de plus en plus dans le processus de créations de produits.

ITW - Andy Anderson

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